Pierre Leyris, directeur des ressources humaines de Turboméca, et son homologue chez Latécoère, Pierre Burello, affichent un air serein. Dans leurs entreprises, c’est à bras le corps qu’on a pris en compte la problématique des risques psychosociaux, sans chercher à minimiser ni le phénomène, ni ses impacts. Qu’on se souvienne, pourtant, que cette prise de conscience n’allait pas de soi dans les entreprises, et qu’il y a moins d’une dizaine d’années, le management par le stress était revendiqué par certains dirigeants. Rappelons encore que l’accord national interprofessionnel sur le stress au travail n’a été signé qu’en juillet 2008 ; sa déclinaison dans les entreprises n’a pas été si évidente non plus.
Aujourd’hui, et c’est une avancée, on fait état des données concernant les RPS. Comme le rappelle Nathalie Puel, dirigeante et fondatrice du cabinet NP Consultants, ces données sont alarmantes : un quart des salariés déclarent souffrir de symptômes liés risques psychosociaux, des troubles qui représenteraient 10 à 20% des maladies professionnelles, un coût social estimé à deux à trois milliards d’euros par an… « Quelle que soit leur taille, les entreprises se sont emparées du problème, après l’avoir longtemps ignoré », avance Michel Niezborala, médecin du travail, auteur de « travailler sans dérouiller, le bien-être au travail est-il encore possible ? ». « Une prise de conscience qui s’est généralisée, même si on tâtonne dans la mise en œuvre des actions ».
Des démarches construites et partagées
Turbomeca et Latécoère constituent deux bons exemples d’entreprises où la préoccupation est actée et les démarches engagées, en y associant toutes les parties prenantes. Evoquant d’ailleurs la recherche de bien-être au travail plutôt que de RPS, Pierre Leyris raconte comment Turbomeca, l’entreprise du groupe Safran de plus de 6.000 salariés, s’est engagée dans une démarche qui concilie prévention des RPS et recherche de performance de l’entreprise. « Notre comité de direction a pressenti dès 2008 le lien entre compétitivité et bien-être au travail », témoigne le directeur des ressources humaines. « De cette prise de conscience a découlé la mise en place d’un accord de prévention du stress au travail, signé en 2011, un plan d’actions piloté par un comité paritaire, prévoyant notamment une formation dédiée pour les managers sur ces questions et la mise en place d’une cellule de veille. »
Comme chez Latécoère, Turbomeca s’est adjoint les services du pôle dédié de NP Consultants, sur le long terme, pour mener ses actions. « La mise en œuvre de la démarche de prévention des RPS date de 2009, une époque où l’activité du groupe a pour la première fois connu des incertitudes », se souvient Pierre Burello, DRH du groupe Latécoère. Après une première mesure globale, à partir d’une évaluation via le questionnaire de Karasek, les démarches ont été adaptées en fonction des services et des secteurs. « Nous avons aussi pris en compte l’appétence des managers pour ces problématiques et les avons formés. Aujourd’hui, nous déployons les actions en concertation avec l’ensemble des acteurs ». Une démarche baptisée « Respire », acronyme qui associe RPS et valeurs de l’entreprise.
Priorité du plan régional de santé au travail, les RPS sont aujourd’hui une préoccupation autour de laquelle on favorise le rapprochement entre équipes de recherche, préventeurs et entreprises. Le processus est désormais engagé, avec des initiatives qui permettent la construction de référentiels communs, le partage et la valorisation des bonnes pratiques. L’organisation de ce colloque en est une bonne illustration.
Valérie Ravinet
Sur la photo (de gauche à droite) : Pierre Leyris, directeur des ressources humaines de Turboméca, Nathalie Puel, dirigeante du cabinet NP Consultants, Michel Niezborala, médecin du travail, et Pierre Burello, directeur des ressources humaines de Latécoère. DR.
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