« L’expérience lyonnaise » l’a convaincu. Romain Vaillant, maire socialiste de Villeneuve-Tolosane, a suivi l’exemple de la métropole rhônalpine en adoptant le congé menstruel. Les agentes de sa municipalité souffrant d’une « pathologie incapacitante », sous réserve que celle-ci soit attestée par un gynécologue ou une sage-femme, pourront s’absenter un ou deux jours par mois, dans la limite de douze absences annuelles. « Elles n’auront plus à produire un arrêt de travail à chaque fois et surtout, plus de perte de salaire », souligne l’élu. En effet, dans la fonction publique territoriale, un jour de carence s’applique à tous les arrêts maladie.
A Villeneuve-Tolosane, si les élues se sont montrées « fières et enthousiastes », les 130 agents ont accueilli la nouvelle avec un « encéphalogramme plat ». Il faut dire qu’une seule agente a indiqué souffrir d’endométriose. « En conséquence, j’ai eu peur qu’elle se sente stigmatisée mais bien au contraire, elle est heureuse de pouvoir en parler », détaille Romain Vaillant. Le jeune édile de 34 ans assume que son action puisse paraître symbolique. « Ce n’en est pas moins une mesure forte », complète-t-il. Et comme la municipalité compte plus de 80 femmes, d’autres devraient probablement en bénéficier.
Le projet de loi est prêt
Même les universités s’y mettent : à Montpellier, la Faculté Paul-Valéry a voté le 16 janvier la mise en place d’un congé menstruel pour tous ses étudiants. Il pourrait bientôt devenir obligatoire. Porté par des députés de gauche, un projet de loi a été élaboré en s’appuyant sur une expertise toute toulousaine, celle de Louis Design, deuxième entreprise française avoir instauré le congé menstruel en mars 2022.* Tellement précurseurs qu’ils en ont même fait un "mode d’emploi". « Le texte reprend 95% de notre modèle », se réjouit Thomas Devineaux, fondateur et dirigeant de Louis Design. Seule différence, les femmes devront présenter un justificatif médical une fois dans l’année, ce que n’impose pas la petite entreprise toulousaine de mobilier. Le projet de loi devrait être présenté à l’Assemblée nationale dans les prochains mois en vue de son inscription dans le Code du travail.
« Tous les mois, je voyais arriver au bureau des salariées en souffrance, shootées aux anti-douleurs »
L’an dernier chez Louis Design, sur une centaine de jours d’absence potentiels au titre du congé menstruel, seuls quatorze ont été posés. Si Thomas Devineaux ne nie pas malgré tout le coût financier de la mesure, il préfère souligner son impact positif. « On peut voir les choses de deux manières : soit d’un point de vue purement comptable, soit en raisonnant de façon globale, en intégrant la marque employeur et le bien-être au travail dans le calcul. Chez nous, la productivité a augmenté », explique-t-il.
Derrière la volonté d’avoir un impact direct sur le bien-être de leurs salariées, le maire et le dirigeant portent aussi une même vision féministe et sociale : l’endométriose est un enjeu de santé publique et le congé menstruel un formidable outil pédagogique pour « lever le tabou des règles », au moins au travail. Certains y voient pourtant une injustice envers les hommes. « Cet argument pourrait être valable uniquement si notre société était égalitaire. Or, nous en sommes encore loin », conclut Thomas Devineaux.
Marie-Dominique Lacour
Photo : Les salariés de Louis Design, pionnière toulousaine du congé menstruel. Crédit Alex Arnaud-Louis Design
* La première entreprise française à mettre en place le congé menstruel a été la Scop montpelliéraine La Collective, en avril 2021.