A l’occasion du lancement mardi 10 décembre de son grand « plan stratégique d’intégration de l’intelligence artificielle dans l’Education », le recteur de l’Académie de Toulouse Mostafa Fourar a convié des entreprises à partager la manière dont l’IA transforme leurs processus et leurs métiers, dans le but d’aiguiller les acteurs de la formation sur les changements à apporter dans leurs programmes et méthodes éducatives.
Animée par Luc Truntzler, conférencier et expert en intelligence artificielle, la table ronde avait pour thème « Comment l’IA impacte-t-elle les gestes métiers en 2024 ? ». Autrement dit, les participants étaient amenés à relater ce qui a changé depuis l’avant-IA dans leurs organisations. Quatre d’entre elles étaient représentées : l’usine Bosch à Rodez, celle d’Actia Automotive à Toulouse, le concessionnaire BMW Equation implanté à Toulouse, Castres et Montauban et enfin, le Comité régional du tourisme des loisirs d’Occitanie (CRTL).
Gagner du temps, améliorer la qualité... Ou simplement survivre
« Pourquoi on a développé des projets IA ? Parce qu’elle apporte de la performance et qu’on essaye de sauver nos fesses, tout simplement. L’industrie en France, c’est compliqué ! », indique crûment Grégory Brouillet, chef de service automatisme et transformation digitale chez Bosch. Dans l’usine ruthénoise à l’avenir incertain, un outil basé sur des réseaux de neurones sert à « prédire l’état des machines » pour déterminer le moment où il faudra changer une certaine pièce. « Avant, on la remplaçait toutes les heures sans véritable raison, de manière préventive... Le coût était exorbitant », soupire le manager. En parallèle, les Aveyronnais ne se privent pas d’utiliser l’IA générative pour automatiser des requêtes et autres tâches chronophages.
Partout, améliorer la productivité est le nerf de la guerre. En plus de représenter "un gain de temps évident", l’IA s’avère rapide à développer et à déployer, se félicite Mathieu Le Pajolec, data scientist chez Actia Automotive. Depuis avril dernier, ses équipes ont déjà mis au point une dizaine de systèmes, en réponse à des besoins identifiés et remontés en interne. Elles comptent bien poursuivre sur cette lancée, créant de nouveaux bots pour exploiter cette manne technologique, même si l’IA « n’est pas une solution à toutes les problématiques », reconnaît sans peine l’ingénieur.
Comment encourager l’IA en gardant une approche éthique ?
Commercialiser des produits ou des services, construire une boutique, faire fonctionner la photothèque, générer du contenu... Dans les offices de tourisme de la région, l’expérimentation de l’IA générative se poursuit, soulevant un vif enthousiasme et quelques questions déontologiques. « Une aquarelliste avait fait à une époque de jolies images. Nous avons demandé à l’IA de les décliner pour en produire de nouvelles », raconte Dominique Thillier, directeur du pôle 3D au Comité régional du tourisme et des loisirs d’Occitanie.
Les deux « cartes postales » générées ont connu un vif succès auprès du public. La créatrice des peintures originelles en a-t-elle bénéficié ? Bien qu’il n’ait pas donné la réponse, le CRTL s’interroge sur « l’approche éthique » de l’IA. Il ambitionne de créer un guide des bonnes pratiques pour encadrer (et peut-être freiner ?) son usage tous azimuts.
Enfin, chez BMW, l’IA s’est appréhendée différemment, d’abord assistance à la conduite avant d’atterrir dans les ateliers où elle permet de « surveiller les données » et d’effectuer « des pré-diagnostics à distance ». « Il a fallu nous adapter à l’IA, pas l’inverse : on subit, parce que c’est le constructeur qui impose les process », déplore Jérémy Lacoste, responsable pièces et service du groupe BMW Equation.
Développer l’esprit critique
Ainsi, au sein des ces quatre entreprises entreprises se déclinent autant de visions de l’intelligence artificielle et de ses impacts. Comment se traduira ce changement sur le recrutement et in fine, les formations ? Selon le recteur, l’IA offres à l’Education des « perspectives prometteuses » qu’il importe d’explorer. Sur les métiers les moins "sexy", cette nouvelle brique technologique pourrait « faire briller les yeux des jeunes », se réjouit Grégory Brouillet. Pour Mathieu Le Pajolec, elle permettre aussi de « donner plus de valeur aux épreuves orales ».
Toutefois l’enseignement devra (doit ?) s’adapter aux évolutions d’un marché de l’emploi en mutation technologique. « L’analyse, la data, la programmation font maintenant partie de tous les métiers. On a besoin de techniciens malléables », confirme Jérémy Lacoste. Le développement des matières scientifiques est plébiscité à l’unanimité : mathématiques, informatique, logique, analyse... Et le reste ? La philosophie pourrait bien devenir cruciale. « Si on veut une approche pragmatique mais distanciée, il faudra développer l’esprit critique », ajoute in extremis Dominique Thillier. « Et pour cela il faudra du bagage, autrement dit de la culture générale », conclut Luc Truntzler. CQFD.
Marie-Dominique Lacour
Photo : de gauche à droite, Grégory Boullier, chef de service automatisme et transformation digitale chez Bosch, Dominique Thillier, directeur du pôle 3D au Comité régional du tourisme et des loisirs d’Occitanie, Mathieu Le Pajolec, data scientist chez Actia Automotive, Jérémy Lacoste, responsable pièces et service au sein d’un réseau de concessions BMW et Luc Truntzler, animateur de la soirée de lancement du plan d’intégration de l’IA du rectorat de Toulouse, mardi 10 décembre 2024. Crédits : M-D.L.-ToulEmploi.