Congés payés, arrêt maladie et heures supplémentaires : la guerre est déclarée

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Deux récents arrêts de la Cour de cassation inquiètent le patronat. Avec la nouvelle jurisprudence, un salarié qui tombe malade pendant ses congés payés pourra désormais les reporter. Par ailleurs, un jour de congé posé dans une semaine n’empêchera plus le déclenchement d’heures supplémentaires.

La Cour de cassation a rendu, le 10 septembre, deux arrêts majeurs en matière de droit du travail, aux conséquences très concrètes pour les entreprises. La première décision, portant sur le droit de report des congés payés lorsque le salarié tombe malade pendant les vacances, n’est pas une surprise. Plutôt la suite logique d’un autre arrêt de septembre 2023 qui avait acté le cumul l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie quel qu’il soit et la suppression de la limitation d’un an pour les arrêts d’origine professionnelle.

Avec le report, la Cour va plus loin. « Jusqu’à présent, il existait déjà deux situations ouvrant droit au report des congés : le salarié dont l’arrêt maladie démarre avant ses vacances et se prolonge pendant celles-ci, et le salarié qui est malade toute l’année. Lui dispose de quinze mois pour reporter ses CP », indique Nine Ugartemendia, avocate en droit social au sein du cabinet Deloitte à Toulouse.
La nouveauté concerne un troisième cas de figure, celui du salarié tombant malade pendant ses congés. Il pourra désormais bénéficier d’un report s’il notifie son employeur de son arrêt. « En réalité, ce que la Cour nous dit est très simple : CP et maladie ne peuvent pas se superposer car le temps de repos et de loisirs et celui du rétablissement sont deux choses distinctes », explique-t-elle.

Heure supp’, le casse-tête

Sur le volet temps de travail, le second arrêt de la Cour de cassation crée une autre obligation : désormais, lorsque le temps de travail est décompté à la semaine, comme c’est le cas pour l’immense majorité des salariés, les jours de congés payés sont pris en compte dans l’assiette de calcul hebdomadaire des heures supplémentaires. Autrement dit, dans une semaine comportant un (ou plusieurs) jour de congé, le seuil de déclenchement des heures supplémentaire peut être dépassé. « Cela rajoute, sans aucun doute, de la complexité en termes de gestion RH et incite à une vigilance accrue pour les employeurs », prévient Nine Ugartemendia. De plus, la question reste ouverte pour les salariés aux horaires variables ou bénéficiant d’aménagements spécifiques de la durée du travail.

« Petit à petit, la jurisprudence de cassation se met en conformité avec le droit de l’Union européenne », poursuit l’avocate. La Commission européenne avait fait injonction à la France, le 18 juin dernier, d’aligner ses lois sur la directive du 4 novembre 2003 concernant la durée du travail, la même qui soutenait l’arrêt de 2023.

Et la suite ?

Si les arrêts de la haute juridiction font jurisprudence, charge maintenant au législateur d’entériner les choses et de régler les détails, comme la rétroactivité et les modalités d’application.

Le double arrêt a fait l’effet d’une bombe dans les organisations patronales, qui considèrent unanimement que seul le travail effectif devrait ouvrir droit à des congés. Pour la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), la coupe est pleine. Dans un communiquéintitulé « Maintenant ça suffit ! », elle dénonce « une injustice » et « un nouveau coup porté à la compétitivité ».
De l’autre côté, la CGT n’a pas encore réagi... Mais le syndicat avait pris de l’avance en obtenant dès le mois de juillet ce droit au report pour tous les agents français des services publics. « Cela nous semble juste normal en fait. Et la France aurait du se mettre en conformité avec l’UE depuis longtemps », indique un militant toulousain.

En 2023, le président du Medef Patrick Martin estimait à au moins 2 milliards d’euros le coût du cumul de CP pendant les arrêt maladie pour les entreprises. Les nouvelles règles laissent craindre aux employeurs une facture salée, bien que la rétroactivité semble plus compliquée à faire valoir. Les organisations patronales espèrent une modification de la directive et appellent le gouvernement à réagir rapidement pour faire entendre leurs voix à Bruxelles.
Marie-Dominique Lacour

Crédit photo : Rémy Gabalda - Toulemploi.

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Source : https://www.toulemploi.fr/Conges-payes-arret-maladie-et-heures-supplementaires-la-guerre,48240