Midi-Pyrénées : quels sont les secteurs qui peuvent sauver l’emploi ?

En attendant la publication des études prospectives annuelles sur les intentions de recrutements des entreprises, en Midi-Pyrénées, ToulEmploi a réuni plusieurs observateurs pour recueillir leurs perceptions du marché de l’emploi.

En 2014, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégories A, B, C a augmenté de 6,8%, soit près de 257.000 personnes inscrites à Pôle emploi fin décembre, en Midi-Pyrénées, contre un peu moins de 241.000 début janvier... Si les premiers indicateurs laissent entrevoir de petites éclaircies (selon la CCI de Toulouse, la croissance de l’emploi pourrait être de l’ordre de 1 à 1,5% ndlr), rien ne tend en revanche en faveur d’un retournement de tendance. Pour la première table ronde de l’année, ToulEmploi a donc réuni plusieurs professionnels du marché de l’emploi afin de tenter de cerner les secteurs et les métiers qui pourraient générer des opportunités en 2015.

Une réalité très contrastée

Pascal Matheus, responsable services aux entreprises de Pôle emploi Midi Pyrénées commence ainsi par rappeler les caractéristiques du marché de l’emploi régional : « Si la demande d’emploi augmente, Midi-Pyrénées fait encore partie des trois régions créatrices d’emplois nets sur le 4ème trimestre 2014, selon l’Accos. Nous continuons également à observer d’importantes inégalités selon les secteurs, certains comme l’industrie, le commerce ou les services à la personne restant dynamiques, tandis que d’autres sont dans une situation toujours complexe, à l’instar de la construction. Le marché du travail est par ailleurs très contrasté selon les départements. Enfin, l’attractivité de la région pèse toujours sur la demande d’emploi... » Globalement, les dernières statistiques de Pôle emploi font état d’un volume d’offres d’emploi en hausse. Comparé au 3ème trimestre 2014, le nombre d’offres collectées a augmenté de 2,6% sur ce dernier trimestre, et plus particulièrement offres d’emplois durables (de plus de six mois, + 9,7%). Elle affichent en revanche un repli de 8% par rapport à la même période en 2013...

Et qu’en est-il de l’intérim, traditionnellement considéré comme une variable d’ajustement en période de ralentissement économique ? « Ce n’est plus le cas depuis déjà cinq ans, et les derniers indicateurs confirment que le marché du travail temporaire est en baisse continue, répond le président régional du Prism’emploi, Bernard Petit, également directeur général de Toulouse intérim. A fin novembre, en cumul sur l’année, l’intérim a diminué de 5,6% en Midi-Pyrénées, la baisse étant très nette dans le BTP (- 20%) et l’industrie. Le commerce et les services au sens large sont repassés ans le rouge depuis la rentrée. Et même le transport, resté positif, est en baisse. La réalité, c’est que l’industrie n’est plus aussi porteuse, les capacités de production étant désormais à 100% de leurs disponibilités. Et puis, si on se projette à plus long terme, l’absence de grands projets industriels pose problème, d’autant que le commerce et les services ne pourront jamais absorber l’ensemble des demandeurs d’emploi... »

Les artisans résistent

A moins peut-être de miser sur les métiers de l’artisanat ? « J’y crois en effet fortement », insiste Louis Besnier, président de la Chambre des métiers et de l’artisanat de Haute-Garonne. Une conviction qui s’appuie sur les faits. La « première entreprise de France » pèse, selon la Chambre, pour 25% des créations d’emploi en France. Les artisans témoignent en outre de leur capacité à s’adapter et à résister à la crise, certains secteurs faisant même preuve d’un beau dynamisme : les salariés des boucheries charcuteries ont par exemple augmenté de 8,3% en Haute-Garonne en 2013, ceux des entreprises de nettoyage de 8%, des prothésistes dentaires de 7%... Une certitude également forgée par l’expérience. « Si je suis très optimiste, c’est parce que je sais que l’artisan, pourvu qu’il soit puissant dans ses savoirs et donc détenteur d’une bonne formation, trouve toujours du travail. Le problème, c’est qu’on a banalisé la formation. Plus courte, la formation initiale permet difficilement d’acquérir l’ensemble des compétences nécessaires pour réussir. Pour autant, le contexte économique devrait inciter certains à s’intéresser à nos métiers. Il y a des niches qui sont sous exploitées. Regardez par exemple dans le bâtiment, qui certes souffre en ce moment, les plombiers, électriciens, chauffagistes, frigoristes... restent très recherchés. Sans compter qu’un artisan sur cinq a aujourd’hui plus de 55 ans dans le département... »

Les derniers Repérages Flash Emploi (RFE), réalisés par les conseillers Agefos PME Midi-Pyrénées, attestent de besoins constants dans les métiers de bouche. « Les bouchers restent notamment en tête des professionnels les plus difficiles à recruter, note Olivier Gérard, le directeur régional de l’Agefos PME. Ce qui ressort plus largement de nos enquêtes, c’est que le commerce, de proximité comme de grande distribution, continue, quoi qu’on en dise, à recruter. La restauration rapide est un secteur extrêmement dynamique, et au-delà, l’hôtellerie-restauration, le tourisme, l’animation et les loisirs créent toujours des emplois. Face à l’enjeu sociétal que représentent, d’un coté le vieillissement de la population et de l’autre, à la demande de garde d’enfants (une assistante maternelle sur trois va partir à la retraite dans les 5 ans), les services à la personne et aux collectivités, continuent eux aussi à générer des opportunités, mais doivent également faire face à des processus de qualification importants. Enfin, du côté des services aux entreprises, les centres d’appels restent dynamiques. Pour autant, notre enquête confirme que plus l’entreprise est petite, plus elle a de difficultés à recruter. »

S’adapter au marché...

Autre option, le portage salarial. « De nombreux professionnels, hyper qualifiés mais sans travail, viennent vers nous, car le portage salarial constitue une réponse aux difficultés actuelles, témoigne Stéphane Pélégry, directeur de l’agence RH Solutions à Toulouse. D’un côté, nous avons des entreprises qui ont des besoins en expertise, mais dans le même temps des contraintes qui ne leur permettent pas de recruter. De l’autre, des seniors qui possèdent cette expertise mais ne parviennent pas à retrouver du travail. Or le portage salarial, ce n’est rien d’autre que la possibilité de répondre à des missions, ce qui devient dès lors un argument très efficace vis-à-vis de l’entreprise, qui « achète » alors une situation salariale, sans avoir les contraintes de compter un salarié de plus dans ses effectifs. Et c’est véritablement ce qu’elles souhaitent aujourd’hui, en témoigne le taux de transformation des démarches commerciales de nos « portés » en contrats, celui-ci étant très élevé. Quant à ces derniers, ils sont très satisfaits, car en plus de renouer avec une activité, ils ne sont plus dans une relation de hiérarchie salarié / patron, sont différemment perçus par les autres salariés et leur travail est plus diversifié. C’est donc une réponse très efficace au problème de chômage de certains seniors, comme au besoin de flexibilité des entreprises. La preuve, c’est que notre réseau enregistre depuis plusieurs années une croissance à deux chiffres ! Pour autant, cela interroge sur le système... Nous ne devrions pas exister si le droit du travail était mieux fait et plus souple. »

Adapter l’offre à la demande apparaît plus largement comme une priorité pour nos invités. « Et tout commence au niveau de l’orientation, insiste Olivier Gérard. Il faut arrêter de créer des filières de formations déconnectées de l’emploi ! Rien d’étonnant dans ce cas à ce que tant de jeunes se retrouvent au chômage, à l’image du nombre effarant de Master 2 en ressources humaines, largement supérieur au nombre même de services RH en Midi-Pyrénées, ou encore de ces formations en secrétariat, alors même que les entreprises n’expriment plus de besoins en secrétaires « classiques ». Si on ne change pas de paradigme, on n’y arrivera pas ! A l’inverse, je suis interpelé par le nombre de demandeurs d’emploi qui ne maîtrisent toujours pas les savoirs de base. Nous n’avons jamais autant financé de formations dans ce domaine, et ce sont bien les entreprises qui doivent investir dans ce cas le champ de la formation... »

Et préparer l’avenir

« Qualifier et adapter les demandeurs d’emploi aux besoins des entreprises est un axe très important des actions de Pôle emploi qui, avec la Région et les Opca, a fortement augmenté le nombre de formations », poursuit Pascal Matheus. « En 2005, 9% des demandeurs d’emploi en ont bénéficié, contre 21% en 2012. Des initiatives telles que My-poe, lancée par l’Agefos PME Midi-Pyrénées, sont en cela très intéressantes car il est important d’informer sur les opportunités. Nous avons, dans cet esprit, lancé récemment l’IMT (Information sur le marché du travail) sur internet, un outil qui permet à chacun de connaître très précisément la situation du marché du travail dans un secteur, un métier ou un territoire. » Permettre aux jeunes adultes de rebondir après une erreur d’orientation est également au cœur des actions de la Chambre des métiers et de l’artisanat de Haute-Garonne. « Notre École supérieure des métiers (ESM) a ré-ouvert des classes pour pouvoir les accueillir », informe Louis Besnier. « Et c’est vrai qu’au-delà d’un simple problème d’orientation, l’acquisition des savoirs de base pose question. En plus d’une remise à jour nécessaire de leurs connaissances, nous devons redonner confiance à certains jeunes. » Les contrats aidés sont une autre façon de remettre le pied à l’étrier à des personnes très éloignées de l’emploi et, dans le cas des emplois d’avenir, de combiner emploi et formation. « Sauf qu’avoir investi dans les collectivités locales me paraît une très mauvaise idée... », estime Olivier Gérard. « Dans tous les cas, même avec une meilleure orientation et plus de formations, nous ne parviendrons pas à inverser véritablement la courbe du chômage sans grands projets ! », remarque Bernard Petit. « Or, à moyen terme, je ne vois pas quels secteurs pourraient être suffisamment porteurs pour générer de l’emploi en grand nombre. »

A court terme, en revanche, quelques opportunités devraient subsister dans le tertiaire. « Les métiers les plus recherchés en Midi-Pyrénées restent ceux de cuisinier, boucher, préparateur de commandes, assistantes maternelles, d’agents de nettoyage de locaux, d’employés de restauration... rapporte Pascal Matheus. On observe également une évolution de la demande de commerciaux, en comptabilité aussi (les offres ont progressé de 18% en 2014), et l’industrie, aéronautique et agroalimentaire, continue à exprimer des besoins en opérateurs. Dans les bureaux d’études, en revanche, le ralentissement est très net. »
Ingrid Lemelle

Photos Hélène Ressayres - ToulEmploi.

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Source : https://www.toulemploi.fr/Midi-Pyrenees-quels-sont-les-secteurs-qui-peuvent-sauver-l,15929