Les clés d’une reconversion professionnelle réussie

Préparation, adaptation, motivation, et souvent formation. ToulEmploi fait le point sur les leviers et les freins à la reconversion professionnelle. Cette évolution que la plupart d’entre nous a vécu ou vivra...

Changer de métier fait rêver. Pour bon nombre de personnes qui franchissent le pas, c’est en revanche une nécessité. Quels sont les facteurs clés d’une reconversion réussie ? ToulEmploi a réuni des professionnels pour en débattre.

Des motivations variées

Florence Rebillot, responsable de la Plateforme de vocation à l’Agence Services Spécialisés de Pôle emploi Haute-Garonne, confirme ainsi que la démarche est généralement contrainte. « C’est l’absence d’opportunité dans le domaine recherché qui incite, le plus souvent, les demandeurs d’emploi à envisager de s’orienter vers un nouveau métier, sans d’ailleurs savoir forcément lequel. Et ils sont 60% à estimer important le fait de trouver une formation en adéquation avec leur projet, mais aussi le marché de l’emploi ! La finalité étant bien de trouver du travail. » « La durée moyenne d’un CDI est aujourd’hui de 7 ans, donc c’est un fait, la mobilité professionnelle est devenue nécessaire », ajoute Guillaume Domergue, délégué régional Agefos PME Midi-Pyrénées. L’évolution du marché du travail et son ralentissement contribuent certes à une multiplication des reconversions. Les changements de mentalité aussi ! En témoigne le directeur de l’Institut supérieur Vidal, qui forme plusieurs centaines de jeunes en alternance chaque année, mais accueille également des personnes en reconversion. « Mais la démarche touche aussi les jeunes désormais, certains estimant avoir fait le tour d’un métier après seulement deux ans de formation. Ils zappent ! », regrette Dominique Bisbau.

« C’est vrai qu’il y a 15 ans, on voyait arriver des personnes qui, après 20 années d’expérience, voulaient changer de métier parce qu’elles étaient usées physiquement et moralement, poursuit Florence Rebillot. Aujourd’hui, au bout de 3 ans, certains jeunes décrètent qu’ils en ont marre... Et puis, il y a la mobilité professionnelle liée à l’immobilité géographique... » Un constat que déplore l’ensemble des participants à notre table ronde. « Les difficultés que rencontrent en ce moment certains ingénieurs R&D en sont la parfaite illustration : ils sont sans emploi alors qu’ils en retrouveraient facilement s’ils étaient mobiles », déclare la responsable Sud-Ouest de Menway Carrières, Marie-Pierre Sarret. « C’est un vrai problème dans notre pays, qui semble frappé d’immobilisme, observe Yannick Lamerat, président de Derichebourg Intérim Aéronautique. C’est un frein pour trouver du travail, mais aussi pour faire une reconversion, notamment si elle nécessite une formation. Aujourd’hui plus personne ne peut se permettre de financer une formation sans valider auparavant, la motivation réelle du candidat. »

Motivé, pragmatique, réaliste, souple...

Marie-Pierre Sarret observe plus largement que « depuis un an, les demandes de bilan de compétences augmentent. De 50% dans notre cabinet, ce qui démontre que les salariés prennent les choses en main, anticipent de potentielles ruptures... C’est un signe plutôt positif ». Pour autant, ils ont besoin d’être guidés : « Il faut démystifier les métiers, se mettre en phase avec la réalité, aller absolument sur le terrain avant d’entamer une reconversion, insiste la responsable de Menway Carrières. Nous les incitons donc à être très pragmatiques, à rencontrer des professionnels, à faire des enquêtes emploi... bref, à être professionnels dans leur projet. » Une opinion que partage Lucrècia Grimaud, responsable du pôle formation des assistantes commerciales chez Nouvelle Page : « Notre cœur de métier est de former les personnes en reconversion dans les fonctions commerciales. Or s’il y a bien une profession pour laquelle les clichés restent tenaces, c’est celle de commercial ! Nous veillons donc à ce qu’ils connaissent tous les tenants et les aboutissants du métier avant de se lancer, et à ce qu’ils aient le comportement adéquat ! La plasticité, c’est-à-dire cette capacité à s’adapter, est une nécessité lorsque l’on souhaite se reconvertir. »

Stéphane Pelegry, directeur du développement de RH Solutions, société de portage salarial, met lui aussi en garde contre un autre mythe : celui du travailleur indépendant. « L’envie d’indépendance est à l’origine de certaines reconversions, et le portage salarial sécurise effectivement le passage au statut d’indépendant. Seulement nombreux continuent à occulter qu’ils vont devoir se vendre. Être indépendant, c’est exercer son cœur de métier, certes, mais également être le patron de leur propre centre de profit. Or on peut être doué pour l’un, mais pas pour l’autre... » Motivé, pragmatique, réaliste, souple... et parfois, bon commercial donc, le portrait du « bon » candidat se dévoile peu à peu. Des qualités nécessaires, mais pas suffisantes.

Une démarche complexe

L’accompagnement est également quasi obligatoire. « La reconversion est rendue complexe par la multiplication des outils et des acteurs, et nous observons une inégalité d’accès à l’information, confirme Guillaume Domergue. Pourtant, sa réussite repose sur une la transparence et la compréhension des outils, la mise en place »d’outils communicants« donc, ainsi que sur la sécurisation des parcours tant en termes de statut, de rémunération, que de financement éventuel de formation. La réforme de la formation professionnelle renvoie précisément les acteurs à leur responsabilité et à leur capacité à travailler ensemble. » Pour l’heure, Pôle emploi s’applique à décrypter les moyens mis à la disposition des demandeurs d’emploi. « Nos conseillers sont outillés pour accompagner individuellement les candidats, les aider à élaborer leur projet et à l’adapter au marché du travail, mais aussi à comprendre l’objectif des dispositifs et le rôle des acteurs qui peuvent être mobilisés, poursuit Florence Rebillot. Il y a un vrai travail de validation du projet à faire avant même d’envisager une formation, qui est certes un outil contribuant souvent au succès d’une reconversion professionnelle, mais qui n’est pas une fin en soi. »

Derichebourg Intérim Aéronautique fait justement partie de ces acteurs. « La formation est un point crutial pour répondre aux besoins de nos clients, et nous y consacrons 4% du budget de notre masse salariale, indique Yannick Lamerat. La moitié des personnes que nous formons au travers du centre de formation, Derichebourg Évolution Formation, est dans une démarche de reconversion, avec un taux d’insertion supérieur à 80%. Nous avons recours à la Préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC), qui donne des résultats concluants, et en amont, à la Méthode de recrutement par simulation, très intéressante pour évaluer les candidats. » Si Derichebourg Intérim Aéronautique affiche de si bons résultats, c’est aussi parce qu’il est positionné sur un marché porteur : l’aéronautique. Et qu’il place ! D’où la question de l’accompagnement en aval. Même « reconverties » aux besoins du marché, les personnes continuent à avoir besoin d’aide pour postuler auprès des recruteurs. Un coup de pouce que leur donne notamment la plateforme de l’Agefos PME : my-poe.com.

Et l’orientation ?

« Cependant, et avant même de parler de reconversion, il serait bon de s’interroger sur la conversion, autrement dit l’orientation, suggère Guillaume Domergue. Dans le cadre des POEC que nous avons financées cette année, nous avons par exemple accompagné des jeunes diplômés Bac +5 en ressources humaines, spécialisés en Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, c’est à dire une niche dans laquelle les débouchés sont rares. Ces jeunes, sans emploi donc, ont fait une reconversion en BTS Gestionnaire de paie pour pouvoir s’insérer... » « Cette déconnexion totale de l’orientation avec la réalité du marché du travail est un vrai souci, regrette Yannick Lamerat. L’éducation nationale porte une part de responsabilité importante, mais les parents également. Bon nombre continuent notamment à penser que si leurs enfants suivent une formation technique, c’est qu’ils sont nuls ! Et puis les jeunes ont aussi leur part bien sûr ! Ils ne sont pas assez curieux. » Ou suffisamment accompagnés au moment de choisir leur cursus. « Parfois, c’est la formation même qui permet en effet de valider que certains ne sont pas faits pour tel ou tel métier, observe Dominique Bisbau. Nous rencontrons particulièrement ce problème dans la filière immobilière, avec des jeunes qui se font une fausse représentation du métier à travers des émissions comme celles de Stéphane Plaza. Des stages d’immersion seraient parfois très utiles... » « Les entreprises doivent, elles aussi, se remettre en question, revoir leurs modalités de sélection, s’interroger sur leurs véritables besoins... et peut-être davantage s’attacher à la motivation et aux habiletés des candidats », suggère Florence Rebillot. « Quels que soit les profils et les raisons qui conduisent certains à faire une reconversion, très hétérogènes on l’a dit, la motivation reste certes un facteur essentiel de réussite », conclut Stéphane Pelegry.
Ingrid Lemelle

Photos Hélène Ressayres - ToulEmploi.

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Source : https://www.toulemploi.fr/Les-cles-d-une-reconversion-professionnelle-reussie,15062