Vous avez cofondé en 2019 Olympes et The Seed Crew, fusionnées en 2023. Comment est structurée l’entreprise aujourd’hui et quelle est son activité ?
Nous sommes sept associés. Olympes est devenu la branche conseil de The Seed Crew et il existe deux autres pôles : la recherche en sciences humaines et sociales et la production de jeux vidéos pédagogiques. De manière préventive ou curative, nous intervenons via des animations, formations ou audits auprès de tous types d’organisations, aussi bien des acteurs publics que des TPE-PME ou des grands groupes tels que Orange ou Sodexo.
L’accompagnement que vous proposez pour sensibiliser aux discriminations s’appuie sur des méthodes ludiques et immersives, grâce notamment à vos jeux vidéos. Quels sont-ils ?
Nos trois jeux sont très "sérieux", issus de plusieurs années de recherche. Le premier et le plus connu, RecovR, aborde cinq discriminations vécues dans le quotidien des collaborateurs : sexisme, racisme, âgisme, validisme et LGBTphobies. Il sert de déclencheur, permet d’ouvrir les discussions. Le jeu crée aussi une distance émotionnelle qui permet aux personnes concernées de verbaliser et aux autres de comprendre.
En 2023, est sorti un deuxième jeu, La Disparition d’Albert le hamster qui s’adresse aux enfants sur le thème du handicap. Enfin, le dernier-né, Day Off, vise à prévenir et accompagner le burn-out.
Et... ça fonctionne ?
Mais oui ! (rires). Du moins lorsque la direction est alignée. Prenons le bon exemple du groupe de BTP Fauché. Pour lutter contre le sexisme, il a commencé par le haut en formant le top management avant de sensibiliser les équipes ; en parallèle, il a mis en place un dispositif de signalement et appliqué des mesures correctrices. Le dirigeant a même demandé à ce que chaque cas lui soit remonté ! Ceux qui vont au bout de la démarche verront un vrai changement.
A l’inverse, quand l’entreprise se contente d’un "one-shot", l’impact est généralement limité ; si l’environnement est vraiment toxique, il le restera. Et parfois, on a de belles surprises : je me souviens d’une intervention qui démarrait très mal, tout le groupe faisait des blagues sexistes super lourdes... Au fur et à mesure de la formation, leur état d’esprit a changé, sauf pour trois "irréductibles". Mais là, miracle : leurs collègues eux-même leur ont dit que c’était gênant !
En matière de lutte contre les discriminations, quelles sont les erreurs les plus fréquentes de la part des entreprises ?
Il peut exister des dissonances problématique. Par exemple, si je communique pendant le mois des Fiertés sur le fait que je suis LGBT-friendly mais qu’en interne je ne fais rien, je risque d’être accusé de pinkwashing. C’est cool de vouloir être engagé, c’est beaucoup mieux quand des actions suivent.
Mais la plus grave des erreurs, et pourtant l’une des plus répandues, c’est de dire : « Je ne suis pas concerné, il n’y a pas de ça chez moi ». Mettre les oeillères, c’est dommage : on sait qu’au contraire les signalements sont plus fréquents dans un environnement sain, où la parole est libérée parce que les gens se sentent en confiance.
Quels projets prépare aujourd’hui The Seed Crew ?
Nous réfléchissons au développement d’un nouveau module pour RecovR, qui ne serait pas dédié à un autre discrimination mais intersectionnel, et orienté management et recrutement. On pourrait, pourquoi pas, créer un futur “permis de non-discrimination” pour les managers, un peu comme le label Handimanagement.
Le jeu pour enfants sera bientôt accessible pour une utilisation familiale et nous envisageons de créer un nouveau chapitre sur le harcèlement. Enfin, les premiers épisodes d’un podcast devraient bientôt voir le jour, avec des expertes pour aborder les discriminations, et notamment celles de genre, sous différents angles.
Propos recueillis par Marie-Dominique Lacour
Sur la photo : Ju Landès. Crédit DR.
