Lionel Luquin, vous êtes directeur de l’IMT Mines Albi. Vous avez récemment annoncé un partenariat innovant avec le Georgia Institute of Technology (Atlanta, USA). En quoi consiste « ce campus hydride » immersif, une première mondiale ?
Nous avions lancé en 2019 un laboratoire commun avec le Georgia Tech. Nous ajoutons désormais un Master en Supply Chain : l’approche de la chaîne logistique se conçoit désormais avec l’internet physique et l’intelligence artificielle, se déployant en fonction des aléas avec agilité. Pour faire passer ces concepts aux étudiants, nous avons développé une plateforme qui utilise la réalité virtuelle : les élèves peuvent par exemple se balader dans la reproduction d’un entrepôt, mettre des palettes sur des racks... Un autre outil pédagogique, sous forme de carte du monde, permet de schématiser les flux entre les usines et entrepôts et d’y provoquer des incidents pour étudier les scenarios d’impact et de sortie de crise.
Souhaitez-vous multiplier ce type de partenariat ?
Ce programme inaugure la stratégie de développement international que nous souhaitons étendre à d’autres universités européennes. Aujourd’hui, nous avons 500 partenaires dans plus de 70 pays et nous proposons plus d’une centaine de doubles diplômes. Nous souhaitons aller plus loin, pas forcément en multipliant les collaborations mais en développant avec certains partenaires des échanges plus intenses, sur des sujets de recherche et pas uniquement de formation.
Sur un second volet, vous affirmez la volonté de renforcer la diversité de vos populations entrantes. Pourtant, deux étudiants sur cinq sont boursiers. N’est-ce pas déjà un très "bon" taux ?
Certes, et nous sommes heureux de les accueillir mais ils ne sont pas forcément représentatifs d’une classe sociale. Beaucoup de ces boursiers ont des parents professeurs, ingénieurs... Or, l’école a besoin d’une vraie diversité reflétant celle de la société française. Pour adresser ce problème, et comme nous avons aussi la volonté d’augmenter les effectifs de 20% d’ici 2027, nous allons travailler sur les voies d’accès, notamment via des « Licences sélectives » : des cursus renforcés, qui conduisent à des passerelles pour les étudiants qui n’ont pas l’envie de passer par une prépa. Ou qui ne sont pas faits pour ça, tout simplement ! Pour beaucoup de talents dont on ne veut plus se priver, la prépa n’est pas le bon cadre. En outre, il y a plus de diversité sociale dans les Licences.
Et les femmes ?
Nous avons 37% d’étudiantes, mais nous craignons quand même que ce taux ne se dégrade à cause de la réforme du lycée, dont les effets vont se faire sentir. L’institut participe déjà a plusieurs actions telles que le dispositif des Ambassadrices ou encore Exceptionn’Elles, un programme développé avec l’IMT Mines Alès pour booster l’entrepreneuriat féminin. Nous avons aussi la chance de pouvoir recruter en prépa véto, ce qui nous aide beaucoup à féminiser.
L’IMT Mines Albi est né à l’ère du bitume. Comment allez-vous transformer vos installations pour répondre aux enjeux de la transition écologique ?
Effectivement, 1993 était une époque très "minérale". On construisait des parkings, on mettait du béton partout… Nous avons la volonté de transformer le campus en un "démonstrateur" grandeur nature des solutions que nous pouvons proposer pour avoir un impact durable, comme par exemple des systèmes de récupération de chaleur. La résidence universitaire est autonome en énergie, un concept que l’on souhaite reproduire. Pour aller plus loin, nous avons initié depuis quelques années un processus de retour de la faune et de la flore sur nos 22 hectares, notamment en arrêtant de tondre à ras. Aujourd’hui on voit des chevreuils, des renards… Le site est même un établissement refuge de la Ligue de protection des oiseaux. Nous nous sommes également engagés à limiter les constructions.
Propos recueillis par Marie-Dominique Lacour
Photo : IMT Mines Albi