De plus en plus d’étudiants envisagent de créer leur entreprise une fois diplômés, voire de déposer leurs statuts alors qu’ils sont encore sur les bancs de l’université ou de l’école. Les explications sont à chercher du côté du marché du travail, de plus en plus tendu. Certains porteurs de projet mettent également en avant leur envie de créer rapidement l’entreprise dont ils rêvent. Dans les faits, les enquêtes concordent pour évaluer à 3% la proportion d’étudiants qui créent leur société. Reste que les mentalités évoluent, et ce taux pourrait augmenter très rapidement sous l’effet de la multiplication des initiatives visant à sensibiliser et aiguiller les étudiants vers l’entrepreneuriat.
Un mouvement qui bouge
Selon les données recueillies par le Pôle Ecrin (Entreprendre, créer, reprendre et innover), qui se charge de recenser les dispositifs dédiés dans l’ex-région Midi-Pyrénées, qu’il s’agisse de formations « consistantes » ou de modules spécifiques (marketing, créativité, innovation...), 4000 étudiants des établissements de l’Université fédérale sont au moins sensibilisés à cette thématique, et 1500 suivent une formation spécialisée. Ces chiffres devraient encore augmenter en 2016 avec une montée en puissance des actions.
Cet intérêt n’est pourtant pas récent. Dès 2001, la CCI de Toulouse créait le Crece (Concours régional des étudiants créateurs d’entreprise) pour sensibiliser les étudiants et le corps enseignant à la création d’entreprise. Les écoles de commerce et d’ingénieurs ont, elles aussi, anticipé ce mouvement très tôt. L’École des mines d’Albi a par exemple installé son incubateur dès 1997. L’entrepreneuriat fait aussi partie de l’ADN de Toulouse Business School, qui compte depuis 2012 un incubateur pédagogique destiné aux projets de ses étudiants. Plusieurs pépites toulousaines (YesStudent, SchoolMouv...), qui ont levé à elles seules plusieurs millions d’euros, sont issues de cet écosystème. Du côté de l’Iseg, école spécialisée dans le marketing et la communication, la sensibilisation s’opère dès la première année. « Le travail en mode projet fait partie intégrante de notre pédagogie, et nous proposons en quatrième année Serial Start-upper, un programme de coaching spécialement dédié aux étudiants qui ont déjà maturé leur idée. Dans tous les cas, nos deux dernières années d’études sont consacrées à la création d’une entreprise ou d’un nouveau service », détaille Oriane Gérard, responsable communication et développement de l’établissement.
Même la fac s’y met
Plus récemment, l’entrepreneuriat a fait pleinement son entrée à l’université grâce à la création du statut d’entrepreneur-étudiant en 2014. Une véritable révolution culturelle. « On ne peut pas nier qu’il s’agit d’un partenariat entre deux mondes qui avaient jusque-là des difficultés à dialoguer : le monde socioéconomique et la communauté académique », explique Alain Blasius, chargé de mission au Pôle Ecrin de l’Université fédérale. Comparable au statut d’un sportif de haut niveau, le statut de l’étudiant-entrepreneur apporte aux porteurs de projet une reconnaissance officielle de leur activité. Cette année, 70 personnes devraient adhérer au dispositif.
Ce que l’on sait moins, c’est que l’enseignement secondaire s’intéresse lui aussi à l’entrepreneuriat et ce depuis 2003 ! Renaud Dutreil, alors secrétaire d’État aux PME, au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation, souhaitait favoriser l’envie d’entreprendre auprès des jeunes avec un objectif : « créer un million d’entreprises dans les cinq ans ». Dans l’Académie de Toulouse, cette ambition est portée depuis 2010 par le dispositif Schola Ingeniosa. Ce dernier vise à proposer aux lycéens de développer, au sein de leur établissement, un produit ou un service. « Organisés en petits groupes d’une vingtaine de personnes, ils créent une association dont ils déposent les statuts. Ils mettent en place ensuite l’organigramme de leur structure, et vont à la rencontre des banques. Ils sont accompagnés dans leurs démarches par des enseignants et des adultes référents », explique Jacqueline Fabre, de la cellule éducation économie du Rectorat de Toulouse. Petit bémol, seuls les lycées professionnels et technologiques se sont appropriés un dispositif qui s’adresse pourtant à tous les établissements secondaires.
De plus en plus de formations dédiées
Du côté des écoles, la révolution culturelle est également en marche. « La création de mon poste au sein de l’Isae-Sup Aéro en est une preuve », constate sobrement Dan Nguyen, chargé de mission innovation et entrepreneuriat étudiant au sein de l’établissement. La structure compte depuis 2015 un cursus de trois ans en entrepreneuriat. « Nous répondons ainsi non seulement aux besoins des employeurs qui recherchent des ingénieurs capables de comprendre le fonctionnement des start-up, dans une organisation en mode Open innovation ; mais aussi à l’envie des étudiants de concevoir leur carrière autrement. Nous formons des intrapreneurs, autant que des futurs entrepreneurs. » À l’avenir, Dan Nguyen entend encore « renforcer l’ouverture de l’école sur l’entreprise et l’accompagnement à la création d’activité ». Depuis la rentrée, le Groupe IGS a quant à lui mis en place un Mastère professionnel en apprentissage, pour permettre aux Bac+2 de se spécialiser dans la création, la reprise ou le développement d’entreprise. Les étudiants se penchent dans un premier temps sur les fondamentaux (le contrôle de gestion, les outils financiers, la négociation commerciale, et le droit de la création d’entreprise) et se consacrent ensuite à la recherche de financement, la gestion du cash, l’ingénierie juridique de la création, la fiscalité, le développement de l’entreprise, et la gestion des risques. Les Chambres de métiers et de l’artisanat travaillent également dans ce sens, avec le Cema (Compétences entrepreneur métiers de l’artisanat). Une formation qui permet d’obtenir une compétence managériale, validée par le Titre Entrepreneur de la petite entreprise, en complément d’un cursus professionnel. Un plus pour les futurs patrons d’entreprises artisanales.
Toutes ces initiatives tendent à lever les freins qui continuent à peser sur la création d’entreprise pour les jeunes. « Nous les rassurons en leur indiquant qu’avec le statut de l’étudiant-entrepreneur, ils se lancent dans la création sans pression, ni risque », constate Hélène Asiain, chargée de mission au Pôle Ecrin. Et si l’étudiant ne mène pas son projet au bout, il aura au moins acquis des compétences qui pourront être mises au profit d’une expérience plus classique. « Les futurs employeurs seront intéressés par cette démarche », complète-t-elle. Un constat que valide Dan Nguyen : « l’entrepreneuriat est une opportunité, spécialement pour les jeunes. Si le projet ne fonctionne pas, il vient cependant enrichir un CV. Une vraie valeur ajoutée au regard des entreprises qui recherchent des candidats en mesure de mener des projets transversaux. La création est un accélérateur de carrière. Ils ne perdent rien à tenter leur chance et gagnent même quelques années ».
Agnès Frémiot
Pour plus d’informations sur les dispositifs et cursus dédiés, accéder aux témoignages d’étudiants ou ex-étudiants ayant créé leur entreprise pendant leur formation, voir notre dossier dans le hors-série « Les meilleures formations en Occitanie », en kiosque ou en vente sur notre boutique en ligne.
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