Vous avez annoncé, dès le lendemain de votre élection, que l’emploi serait votre « première priorité ». Pour quelle raison ?
Parce qu’à travers la bataille pour l’emploi, c’est le développement et l’avenir de tous nos territoires qui est en jeu. Je l’ai dit pendant ma campagne, et je le réaffirme aujourd’hui en tant que présidente de Région : il ne peut y avoir de citoyens et de territoires de second rang.
Cette priorité, c’est aussi un message pour la jeunesse. C’est notre rôle de responsables politiques, de tout mettre en œuvre pour que nos jeunes s’engagent avec confiance dans la préparation d’un diplôme et le choix d’un métier. Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées est riche de potentiels d’emplois de proximité, avec ses artisans, ses TPE et PME, et ses filières d’excellence. A nous de faire émerger, soutenir et mobiliser les politiques publiques pour transformer ces potentiels en réussites.
Vous souhaitez que les Régions, qui pilotent déjà les politiques de formation et d’orientation professionnelles, deviennent aussi coordinatrices du service public de l’emploi. Pourquoi ?
C’est en effet ce que j’ai proposé au Premier ministre en janvier dernier, dans un souci de cohérence avec les compétences dont disposent déjà les Régions, mais aussi dans une logique de simplification pour nos concitoyens.
Nous avons une forte présence sur les territoires, avec les Maisons de la Région que je souhaite développer, les Maisons Communes Emploi Formation (MCEF), ou encore les bureaux territoriaux. La Région est donc en capacité de relayer la politique de l’emploi, d’en évaluer les effets et de produire les adaptations nécessaires, en fonction des besoins des demandeurs d’emploi et des entreprises dans les différents bassins de vie.
Bien sûr, la Région n’agira pas seule : animer le Service public de l’emploi c’est d’abord et surtout organiser la mise en œuvre des dispositifs, en assurant la complémentarité et la coordination des différents acteurs que sont l’État, Pôle emploi, les Missions locales, mais aussi l’Éducation nationale.
Vous avez plaidé auprès de Manuel Valls pour la mise en place de politiques expérimentales, afin d’être justement au plus près des besoins, et de contribuer au développement de l’apprentissage. A quels types d’expérimentations pensez-vous ?
L’apprentissage est véritablement une voie d’excellence qui permet d’obtenir un emploi rapidement. On ne le sait pas encore assez, mais le taux d’insertion des apprenti(e)s sur le marché du travail est très bon, de l’ordre de 70 à 80% en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. La Région soutient l’apprentissage depuis de nombreuses années déjà, mais je souhaite en effet que nous allions plus loin. Je suis par exemple favorable à l’augmentation de l’âge maximal pour intégrer une formation par apprentissage, qui pourrait passer de 25 à 28 ans. Il me semble également intéressant d’expérimenter l’apprentissage sur d’autres types de diplômes, et de l’ouvrir notamment aux titres du ministère de l’Emploi, qui me paraissent particulièrement adaptés. Cela permettrait aux entreprises de signer des contrats d’apprentissage tout au long de l’année, et de sortir du cycle « septembre à juin » qui correspond plus au cycle de l’Éducation nationale.
Je souhaite également une mobilisation particulière sur la création de parcours d’excellence dans les lycées professionnels. Je compte aussi développer l’apprentissage avec les lycées labellisés « campus des métiers » car, par nature, les campus associent les acteurs économiques, et c’est donc un moyen intéressant de développer des filières de formations innovantes. Je suis en outre tout à fait ouverte à la discussion avec les branches professionnelles, pour les impliquer dans le développement de l’apprentissage et la gestion des CFA.
Toutes les pistes sont à explorer pour développement cette voie de formation.
Quelles seront les actions que la Région va engager dès cette année en faveur de l’emploi ?
Comme je m’y étais engagée, j’ai lancé en mars dernier un Plan Marshall pour l’emploi à destination des entreprises du BTP. Ce plan comprend deux volets : dès 2016, plus de 800 millions d’euros d’investissement seront inscrits au budget, pour financer de nouveaux projets de travaux dans tous les secteurs, éducation, transports, culture, logement… J’ai également décidé d’accélérer la passation de marchés publics, à hauteur de 550 millions d’euros. Cette enveloppe sera mobilisée immédiatement et bénéficiera directement aux entreprises du secteur. Cela permettra ainsi de sécuriser et booster l’emploi local. Toujours dans le cadre du Plan Marshall, nous sommes également en train de mettre en place des dispositifs adaptés pour que les TPE et PME puissent accéder plus facilement à la commande publique régionale.
Le plan 500.000 formations pour les demandeurs d’emploi est également un levier, où en êtes-vous de sa mise en œuvre ?
Nous nous sommes mobilisés dès l’annonce faite par le président de la République en janvier dernier, en travaillant aux côtés de l’État, de Pôle emploi et des partenaires sociaux. Il s’agira dans un premier temps de remplir les formations existantes puis, très rapidement, de lancer de nouveaux bons de commande pour des formations supplémentaires sur lesquelles il faut être réactif.
Je me félicite de l’engagement pris par François Hollande de soutenir financièrement les efforts supplémentaires que devra faire la Région.
En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, il s’agira de plus de 30.000 formations à destination des demandeurs d’emploi, qui s’ajouteront aux 60.000 déjà prévues pour l’année 2016, soit une augmentation de 50%. Mais je souhaite insister sur un point : ces formations seront en grande partie qualifiantes ou très qualifiantes, comprises entre 7 et 9 mois, pour permettre un retour durable dans l’emploi. Grâce à nos relais, nous avons la possibilité de définir très finement les besoins de chaque bassin d’emploi.
Quels sont les atouts économiques, et par là même, générateurs d’emplois, sur lesquels LRMP doit capitaliser ?
L’économie régionale repose sur trois piliers, en termes d’emplois et de chiffres d’affaires : l’agriculture et l’agroalimentaire, le tourisme, et l’aéronautique et le spatial.
Dans ces trois secteurs nous avons des atouts considérables à valoriser, notamment à l’international. La Région continuera bien sûr d’apporter son soutien aux acteurs de ces filières, qui sont des moteurs essentiels de notre économie. Mais nous ne devons pas nous reposer sur ces acquis. Nous ne pouvons pas nous le permettre, tant la révolution numérique a bouleversé les modes de production et de consommation, qui ont un impact direct sur l’emploi. L’exigence aujourd’hui est, plus que jamais, celle de l’innovation. Or notre région compte 15 pôles de compétitivité, près de 30.000 chercheurs, 230.000 étudiants et 35 grandes écoles.
Pour aller plus loin encore, je souhaite créer une cité des start-up à Montpellier, et une autre à Toulouse, en m’appuyant sur le label existant « French Tech ». Je compte également m’appuyer sur l’appel à projets « Fab Région », qui a pour objectif de soutenir la création ou l’extension de FabLabs - laboratoires de fabrication - sur le territoire, pour renforcer la diffusion de la culture numérique et industrielle.
Notre édition 2016 du "Qui recrute dans votre région ?" propose un focus sur la filière viticole. « Le 1er vignoble du monde » a-t-il un potentiel de croissance ?
Notre nouvelle région dispose en effet du plus grand vignoble au monde en vin d’appellation, avec 236.500 ha, soit 30% du vignoble français. C’est un atout extraordinaire dans l’économie désormais mondialisée du vin.
L’ouverture de nouvelles formations montre bien la vitalité du secteur. Je pense notamment à la création, en janvier dernier, d’un Master spécialisé à la Maison des Vins de Lattes, ou encore au nouveau Master Management et commercialisation du vin, proposé par la Toulouse Business School.
Les possibilités de développement sont donc bien sûr importantes, avec notamment la montée en puissance du marché de l’œnotourisme, qui est certes de plus en plus concurrentiel, mais offre de belles perspectives. Les professionnels doivent profiter de la période de stabilité que connaît actuellement le secteur pour conforter les acquis des dernières années, et effectuer les évolutions nécessaires pour poursuivre leur développement. La nouvelle Région sera à leurs côtés pour les accompagner dans ces mutations importantes.
Vous avez émis le souhait d’organiser une conférence pour l’emploi à la rentrée 2016, quelle forme prendra-t-elle et quelle en sera l’ambition ?
Sur la forme, nous sommes encore en train d’en définir les contours. En revanche, l’ambition est claire : il s’agira de présenter notre stratégie régionale pour l’emploi et la croissance, qui découlera d’une large concertation au plus près des territoires, avec l’ensemble des acteurs économiques et plus largement l’État, les partenaires sociaux, les consulaires…
Vous le savez, j’ai également souhaité positionner la Région pour animer le Service public de l’emploi. Je l’ai abordé avec le Premier ministre, et nous en définirons les modalités dans le cadre de la concertation autour de la stratégie régionale de l’emploi et de la croissance. Cela ne consiste pas à tout faire et à tout décider seuls. Nous allons travailler avec tous nos partenaires pour définir des axes prioritaires en matière d’emploi, de formation et d’orientation, qui pourront être validés dans le cadre de cette conférence, que je souhaiterais tenir à l’automne. Cette réflexion sera bien sûr menée en cohérence avec les schémas régionaux de développement économique de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur, que nous sommes en train d’élaborer.
Propos recueillis par Ingrid Lemelle
Sur la photo : Carole Dela, présidente du Conseil Régional Occitanie. Photo L.BEZIAT DR.