
À chaque entreprise, son idée du handicap. Si dans les grands groupes, l’intégration des travailleurs en situation de handicap ou leur maintien dans l’emploi, relève d’une politique de gestion des ressources humaines bien définie et globale à la question de la diversité, dans les PME et les TPE, il s’agirait davantage d’une affaire de personnes ou d’opportunités. Ceci au gré de la législation.
Aujourd’hui l’obligation légale d’emploi des personnes handicapées vaut pour tous mais les incitations sont différentes selon la dimension de l’entreprise. Ainsi, les grands groupes accueillent-ils plus largement des personnels handicapés, en négociant des accords d’entreprise leur permettant d’obtenir des exonérations fiscales.
En Midi-Pyrénées, c’est le cas chez Spie, qui recense une centaine de salariés handicapés sur un effectif total de 2.600, soit environ 4%, ou encore chez Orange qui vise 5% du total de ses salariés en situation de handicap d’ici à décembre 2013. De part et d’autre, cette forme de soutien à l’embauche favorise la relation à l’ensemble du personnel : « C’est très positif pour nos salariés et très sécurisant de savoir que l’entreprise accorde sa confiance à tous », explique Véronique Paquier, chargée de la question chez Orange.
Des équipes plus créatives
Dans ces groupes, l’intégration de personnes handicapées est porteur de valeurs sociales telles la solidarité et une plus grande attention à l’autre : « Avoir un collègue handicapé c’est développer les échanges et la mixité au sein d’une équipe », souligne ainsi Bénédicte Laparre, directrice des ressources humaines chez Spie. « Les pratiques managériales sont plus humaines et l’équipe concernée beaucoup plus solidaire », considère également Véronique Paquier.
Sur le terrain, le recours à l’imagination pour faciliter la prise de poste pousse effectivement les uns et les autres à la patience et à l’ingéniosité. Chez Spie, l’usage du téléphone portable est par exemple indispensable pour faire circuler l’info auprès de son personnel malentendant !« Les chefs d’équipe communiquent par textos, raconte Bénédicte Laparre. C’est le seul outil d’aménagement du poste sur ce type de handicap : nous fournissons le téléphone et c’est parfaitement efficace. »
À Caussade, dans la crèche associative Chapi-Chapeau, le recrutement d’une jeune femme sourde a nécessité la réorganisation du travail : « Nous avons fait en sorte de travailler en binôme afin que notre collègue soit toujours comprise », relate Isabelle Moulin, la directrice de la crèche. Ici, l’embauche est idéologique : « Nous accueillons des enfants handicapés, il était donc évidement que le personnel soit aussi composé de travailleurs en situation de handicap », précise Isabelle Moulin. À sa petite échelle, Chapi-Chapeau est confrontée aussi à la problématique de l’échange et de la solidarité.
Si l’entreprise a permis à son employée de se former afin de progresser professionnellement, les autres membres de l’effectif (13 sur la structure) ont appris la langue des signes ! « Nous avons désormais tous la même gestuelle », précise Isabelle Moulin. Une expérience bénéfique pour tous.
Une législation qui veut tout et son contraire
À la Socmi, entreprise de chaudronnerie implantée à Tarbes, le handicap ne s’est imposé qu’au regard des compétences et du parcours professionnels de la personne recrutée : « J’ai été attiré par un CV, par la polyvalence et l’expérience de son auteur qui correspondait exactement au besoin de mon entreprise, souligne Dominique Janeczek, son P-dg, qui relative beaucoup sa démarche. Mon employé est malentendant d’une oreille et a des soucis d’équilibre, mais ça n’a posé aucun problème d’aménagement de poste ou de conditions de travail. Au point que recruté en apprentissage en octobre 2010, il est devenu chef d’atelier depuis. C’est plus facile quand l’entreprise n’est pas impactée par le handicap, il y a moins de réticence à l’insertion. »
Un constat qui est une réalité, l’intégralité des témoignages recueillis mettant en avant des travailleurs handicapés sensoriels. Les handicapés moteurs sont de fait moins représentés, l’entreprise se heurtant souvent à des limites de législations (paradoxa dans un contexte qui se veut incitatif) : « Impossible ou presque pour nous d’intégrer une personne en fauteuil, du fait de la hauteur normée des tables à langer, ou une personne fragile psychiquement du fait du contact avec les enfants », rapporte par exemple Isabelle Moulin de Chapi-Chapeau.
Idem chez Orange : « A priori nous recrutons tout le monde, mais dans les faits, c’est difficile d’embaucher un handicapé psychique et de le placer en contact des clients. Les postes hors relation commerciale, moins nombreux, sont donc plutôt réservés au maintien dans l’emploi. »
Nathalie Malaterre