Comment expliquer le succès de la rupture conventionnelle du contrat de travail ?

Depuis la mise en place du divorce par consentement mutuel entre le salarié et son employeur, près de 350.000 ruptures conventionnelles ont été validées. Selon Paul-Henri Bernard, avocat intervenant en droit social à Toulouse, le contexte actuel a largement pesé dans le succès de ce nouveau mécanisme.

Qu’en est-il actuellement du succès du dispositif ?
Au premier semestre 2009, 80.000 ruptures conventionnelles du contrat de travail ont été homologuées. Pour le seul mois de janvier 2010 on en dénombrait plus de 20.000, ce seuil étant désormais atteint et dépassé chaque mois. On peut donc supposer que pour l’année 2010 le nombre total des ruptures conventionnelles dépassera les 200.000.

Comment expliquez-vous cette réussite ?
Pour comprendre le succès du dispositif, il faut se replacer dans le contexte historique de sa création. La rupture conventionnelle est née après l’échec juridique et social du Contrat Nouvelle Embauche et du Contrat Première Embauche, qui auraient dû servir de base au contrat unique. Il s’agissait alors dans l’esprit des partenaires sociaux d’initier un dispositif susceptible d’assouplir et de simplifier les procédures d’embauche. Face à cet échec ils ont décidé d’opter pour un dispositif offrant aux salariés une solution intermédiaire entre la démission et le licenciement tout en leur permettant de bénéficier des avantages du licenciement, à savoir des indemnités et de l’assurance chômage. Dans ce contexte la rupture de conventionnelle devait servir d’outil individuel de gestion des carrières et permettre de faciliter la mobilité professionnelle des salariés en leur donnant des outils de « nomadisme ».
Quand la loi sur la modernisation du travail a été promulguée, le chômage était à son plus bas niveau historique depuis une très longue période et la situation économique était bonne. Quelques mois plus tard, elle s’est dégradée brutalement et c’est paradoxalement ce qui semble expliquer le succès de la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Selon vous, la rupture conventionnelle se substitue donc aux licenciements économiques ?
A l’évidence, et les chiffres le démontreront, elle est aujourd’hui en partie utilisée comme un outil d’adaptation des effectifs par certaines entreprises. Le mécanisme a donc été pris à contre-pied ce d’autant plus que les textes ne prohibent pas clairement l’utilisation du dispositif de la rupture conventionnelle dans les situations de difficultés économiques et ce même si deux circulaires parues cette année semblent vouloir enrayer cette logique.

Son usage est-il risqué pour l’entreprise et qu’en est-il du contentieux lié à cette procédure ?
Comme il s’agit d’un outil très précis sur le plan procédural et qu’en schématisant il s’apparente à un divorce par consentement mutuel entre l’entreprise et le salarié, le nombre de contentieux est extrêmement faible. Il faut souligner que les deux verrous de sécurité fonctionnent. Avant d’être opérationnelle, la rupture conventionnelle compte un délai de rétractation et un délai d’homologation de 15 jours chacun, qui limitent les critiques sur le dispositif. Pour l’entreprise et le salarié, on peut dire que le dispositif est extrêmement fiable et peu risqué.

Quel est son impact sur l’entreprise ?
Je conseille à l’entreprise de réfléchir à son impact sur sa politique de ressources humaines et je souhaite notamment souligner que ce dispositif utilisé trop systématiquement est susceptible de dégrader la relation que les salariés entretiennent avec l’entreprise. Un salarié change en moyenne sept fois d’employeur durant sa carrière et la mobilité professionnelle est aujourd’hui une nécessité. Dans ce contexte la rupture conventionnelle doit rester un outil individuel permettant à chaque salarié de mieux gérer son parcours professionnel et non une solution collective d’adaptation des effectifs.
Propos recueillis par Agnès Frémiot

Sur la photo : Paul-Henri Bernard, avocat spécialisé en droit social à Toulouse. Photo Hélène Ressayres DS Média.

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Source : https://www.toulemploi.fr/Comment-expliquer-le-succes-de-la-1402